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Une pétition pour l'égalité salariale

15-12-2015  - avatar

Force est de constater que le nouveau Conseil fédéral ne montre pas l’exemple en matière de représentation homme/femme et reste en retrait en matière d’égalité salariale. Sa proposition, actuellement en...

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Ailleurs

Annick Blavier, une œuvre engagée

27-06-2017 Hélène Upjohn - avatar Hélène Upjohn

Il y a du mystère dans les collages d’Annick Blavier, les déchirures, les fragments, les situations que l’on ne voit pas en entier, les citations qui ont perdu leur auteur.e..Pourtant...

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Genre&Féminismes

Une pilule pour doper la libido féminine…

10-12-2015  - avatar

Les sociétés pharmaceutiques rivalisent d'ardeur pour mettre sur le marché une pilule qui stimulerait le désir sexuel chez les femmes. Sprout Pharmaceuticals a déjà obtenu le feu vert pour la...

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chronique féminista-voyageuse

Le patron est une femme


HAGURUKA UHANGE LTD. «C’est le nom que j’ai choisi pour mon entreprise, explique Fatuma Uwimana. Car mon entreprise, c'est ma vie et "haguruka uhange", ma philosophie de vie.» Huguruka uhange, deux mots qui trouvent en français de multiples interprétations: «lève-toi et innove» ou encore «ouvre tes perspectives, ne baisse pas les bras». A Kimironko (quartier au nord-est de Kigali), dans la boutique de vêtements où nous avons rendez-vous cet après-midi, la pétillante Fatuma raconte sa motivation, son envie d'entreprendre et sa détermination à innover, tous les jours, pour réaliser son rêve: créer et commercialiser des vêtements de qualité, des pièces uniques cousues à la main.

«Figurez-vous que l’année dernière, j’ai gagné un prix attribué par le Ministère du genre et de la famille à une femme particulièrement méritante, dit-elle. J’en suis fière, ce prix a récompensé des années de travail. Il m’a aussi rappelé qu’il faut diriger ses forces vers l’avenir: ne pas se reposer sur ce qui est fait mais trouver de nouvelles idées et les mettre en oeuvre.» Aller de l’avant, créer, développer son savoir-faire… Un objectif aux multiples facettes que la société rwandaise tout entière s’est fixé aux lendemains des événements de 1994 et que Fatuma semble personnifier à merveille. «Chaque jour est une opportunité pour inventer ou réinventer un vêtement.» Toutes les pièces que la couturière conçoit sont les témoins de sa créativité et de son dynamisme. «Innover pour se différencier pourrait être ma devise, lance-t-elle, un large sourire aux lèvres. A l'origine, je trouve mon inspiration dans la rue, en observant les passants. Ce sont eux qui m’indiquent les nouvelles tendances, les modes, les couleurs et les formes à privilégier.»

Je me concentre sur ma prise de notes car les réponses de Fatuma courent, précises, aussi vite que l’aiguille d’une machine à coudre sur le rebord d’un tissu. La discussion est vive. Pas de temps suspendu, ni d'hésitation. Fatuma est une femme d’affaires. Une femme qui a le rire communicatif. Elle a réussi et le dit avec mille mots, sous le regard enjoué de ses deux employées qui ne perdent pas une bribe de notre échange. Tout ce qu’elle raconte est expérience: expérience personnelle et expérience de luttes aussi. Car si aujourd'hui Fatuma peut se targuer d'habiller l'élite kigalienne, cela n'a pas toujours été le cas. Couturière de formation - une formation des plus classiques pour les jeunes filles au Rwanda - elle exerce ce métier depuis des années. «Petite, je créais des poupées en assemblant à la main des morceaux de chiffons colorés, explique-t-elle. Puis, j’ai longtemps travaillé dans le cadre d’une coopérative de femmes, comme il en existe partout à travers notre pays. Une activité accessoire qui me faisait gagner quelques sous, mais pas grand-chose.» Sa situation a en revanche changé il y a quatre ans, lorsqu’elle prend son indépendance et lance sa première ligne de vêtements. Ses confections, des pièces en tissu «Igitenge» (tissu traditionnel africain) ou faites d’étoffes soyeuses en provenance du Kenya, que l’on s’arrache à Kigali. Plusieurs hauts représentants du pays auraient déjà passé commande chez elle. Pantalons, peignoirs, pantoufles, sacs, nappes, bijoux en tissus, et j’en passe et des meilleurs. Un succès immense donc, estampillé «made in Rwanda», à la hauteur d'un travail… immense lui aussi, qu’elle accomplit quotidiennement, dans son petit atelier, débordant de tissus éclatants et de vie aussi.

Fatuma poursuit: «Je rêve de développer mon entreprise et de posséder des machines à coudre modernes, pour produire plus et plus rapidement». Mes yeux se posent sur les trois machines disposées sur un établi au fond de la pièce. Noires, luisantes, avec l’inscription «Butterfly» en lettres d’or sur le côté. Elles sont majestueuses, ces machines, mais elles fonctionnent à la force de la main. C’est-à-dire lentement. Fatuma m'explique que la réalisation d'un peignoir demande un jour entier de travail.

Les peignoirs qu'elle confectionne sont splendides. J'en choisis un ligné, vert et rouge. En payant, je ne peux que constater combien il est rare d'acheter un article dont on connait à la fois la provenance, l'exact processus de fabrication et même, celui ou celle qui l'a créé. Faire connaissance avec Fatuma, visiter son entreprise et découvrir son univers de travail, m’a permis de saisir un bout de l'histoire du vêtement que je viens d'acquérir. Celui qu'une artisane a réalisé lentement, certes - en comparaison avec les rythmes de production des grandes marques - mais manuellement, lui prodiguant ainsi une valeur toute singulière. Les vêtements qui garnissent nos garde-robes ont-ils cette même valeur ? Je parle là de ceux qui sont fabriqués à la chaîne, par des ouvrières dont les conditions de travail sont souvent douteuses, voire déplorables. Est-ce que dans ces usines-là, on ose prendre le temps de rire, comme les deux employées de Fatuma, chaque fois que je posais une nouvelle question ? Est-ce que dans ces usines-là, il y a de la place pour les couleurs et la vie que j'ai trouvées dans l'atelier de couture de Kigali ? Fatuma l'artisane, la créative, attachée à la qualité de sa production, me glisse encore quelques mots qui finissent d'effacer les tristes images d’une production de vêtements à grande échelle: «Je rêve de donner un cours dans une école de couture à Kigali. Ce cours s'intitulerait sobrement "couture et créativité, osez innover!"»

Haguruka uhange… Lève-toi et innove.

Photo © Joëlle Rebetez, Kigali - 2014, Fatuma, couturière et entrepreneure à Kigali. Devant elle, sa machine à coudre.

Femmes de foot!


«Sais-tu que l’entraîneur de l’équipe rwandaise de football féminin est une femme ?» me lance l’un des coaches du fitness à l’Hôtel Serena. Non, je l'ignorais. Et d’ailleurs, pour être tout à fait honnête, difficile d’imaginer qu’une telle fonction soit occupée… par une femme, les exemples étant si rares, que le Rwanda dispose d’une équipe nationale… féminine, et que des filles aient choisi de courir derrière un ballon… par passion.


Ce matin-là, alors que je transpire à grosses gouttes sur un tapis de course, le constat est amer : les préjugés contre lesquels j’essaie de me battre ont réussi à me rattraper. De surcroît, ils m'ont rattrapée sur un terrain qui devrait, par nature, être imperméable aux stéréotypes de genre, je parle là du sport et de toutes ses expressions. Comment expliquer la difficulté que rencontre mon esprit à associer les termes «football» et «féminin» ? Pourquoi je ne sais dire dans quel pays se tiendra la prochaine Coupe du monde féminine de football * ? Pourquoi je ne peux citer le nom de la meilleure joueuse de tous les temps ** ? Et pourquoi ces mêmes questions déclinées au masculin trouveraient, elles, immédiatement réponse ? Aucune excuse, sauf peut-être le fait que les préjugés sont enracinés profondément dans les consciences et qu’à cause d’eux, nous percevons la réalité de manière restreinte, approximative ou incomplète. Munie de ces œillères invisibles, j’aurais certes découvert la belle ferveur des supporters des clubs de l’APR, du Rayon Sports ou de l’AS Kigali alignés cette saison dans le Championnat masculin rwandais mais serais passée à côté de Marie-Grace Nyinawumuntu, 32 ans, à la fois entraîneure de l'équipe féminine nationale, entraîneure des équipes junior et senior de l’AS Kigali filles et également pionnière dans le développement du football féminin au Rwanda.

Le rendez-vous est fixé au Stade Regional de Nyamirambo. J’arrive vers 7h15 du matin et m'approche du terrain où des joueuses travaillent des enchaînements techniques sous l'œil attentif de leur entraîneure. «Dans un esprit d’universalité et d’égalité, le monde footballistique s’adresse en théorie à tout le monde, m'explique d'emblée Marie-Grace. Mais dans les faits, il laisse trop souvent les femmes sur la touche.» Marie-Grace sait de quoi elle parle. Elle n'est pas moins que l'une des premières joueuses de football au Rwanda, la première femme à avoir arbitré des matches de première division masculine, la première entraîneure féminine et la première femme diplômée de la Faculté des sciences de l’éducation et des sports de l’Université de Kigali. Rien que cela ! «J’ai grandi entourée de garçons. On jouait tous les jours au ballon et on ne vivait que pour cette passion». Si pour les garçons, le football a toujours été socialement légitime, il en allait autrement pour les filles. «A cette époque, notre culture n’était pas encore mûre pour accepter que des jeunes filles courent en shorts et en t-shirts, shootent dans le cuir, crient et s'approprient un espace de jeu dans la sphère publique. La pratique d'un sport par les filles était simplement mal perçue car traditionnellement, elles avaient plutôt leur place à la maison pour s'occuper des tâches ménagères». Marie-Grace a littéralement défié la tradition, les représentations sociales qui avaient cours dans le village qui l'a vue grandir, les regards désapprobateurs de certains habitant-e-s et l'autorité parentale : «Même si je me faisais punir régulièrement par mes parents qui apprenaient – par des voisins – que j'avais encore joué au football, j'y retournais le lendemain, c'était plus fort que moi.» Personne n'a réussi à l'éloigner de sa passion certes, mais personne ne lui a apporté de soutien non plus, excepté ses copains de jeu qui ont reconnu en elle une excellente tacticienne. Et ce, encore aujourd’hui. On comprend mieux pourquoi elle a fait de la promotion des filles dans le football un combat personnel.

«Chez vous, sur le continent européen, comment les filles qui jouent au football sont-elles perçues par la société ?» A cette question, j’ai presque envie de répondre que la situation n'est pas bien différente, voire pire ! Je lui fais alors part de quelques anecdotes. Celles de Sepp Blatter qui avait, il y a une petite dizaine d'années, suggéré que les footballeuses portent des mini-shorts pour attirer les téléspectateurs. Je lui rappelle également que Manchester United n'a jamais pris la peine de constituer une équipe féminine et que c'est seulement cette année, pour la première fois en Europe, qu'une femme - Corinne Diacre - dirige un club professionnel de football masculin (le Clermont Foot 63). Je lui avoue même que j’ai failli repartir en Suisse sans avoir connaissance de l’existence du football féminin rwandais… Marie-Grace en rigole. Elle n'est pas surprise par ma réponse et poursuit: «En créant cette équipe en 2008, j'avais de nombreux objectifs : offrir à des jeunes filles un endroit sécurisé pour s'exprimer, pour s'investir dans une activité positive et pour participer à construire leur estime de soi. Mais également leur permettre de s'émanciper, de lutter contre certains obstacles de la vie quotidienne ou de contrebalancer les moments plus durs de vie.» Défier les normes de genre aussi ? «Oui, il était important pour moi de démontrer que les filles sont capables, autant que les garçons. Je souhaite le prouver à tous et surtout, j’aimerais que les filles prennent conscience de leur potentiel.» Et l'entraîneure d’ajouter : «Promouvoir le genre à travers le sport est ma modeste contribution pour le Rwanda. Je vois dans le football féminin et le football en général une manière de se réconcilier et de construire une forte solidarité, cette dernière ayant été malmenée à un certain moment de notre histoire.»

En fin de discussion, nous aboutissons au constat qu'en Europe comme en Afrique, nous partageons les mêmes conceptions du sport mais également les mêmes défis et objectifs en matière de promotion de l'égalité. Il s'agit ici et là de modeler l'histoire du sport, non plus par la division et la discrimination, mais par la valorisation des athlètes féminines, au même titre que leurs confrères, en leur accordant une bonne couverture médiatique et en engageant suffisamment de moyens pour permettre aux sportives d'évoluer harmonieusement dans leurs disciplines. D'accord, les mentalités ont déjà changé. Un peu. Lentement. «Les mentalités évoluent avant tout quand on démontre que c'est possible», note encore Marie-Grace.

* Au Canada, l’année prochaine.
** Elle s’appelle Marta Vieira da Silva. Elle est brésilienne et évolue actuellement au poste d’attaquante au FC Rosengard, club suédois de football féminin fondé en 1970 à Malmö.

Photo © Joelle Rebetez,  L'heure du briefing, Marie-Grace prodigue de nombreux conseils stratégiques.