LE SALON DÉLIVRE
On ne peut pas dire que l’on attendait avec impatience de savoir qui allait se retrouver à la présidence du Salon du livre, d’autant plus que l’on est en droit de se demander quel peut bien être le degré de pertinence de ce job. Réunion des éditeurs où les gros font de l’ombre aux petits (comme dans la vraie vie), le Salon du livre est une naïve parenthèse culturelle printanière dont le seul intérêt est de faire (re)découvrir la lecture à ceux qui s’en passent quotidiennement très bien. Après l’année Patrick Ferla, quel joker allait sortir de la poche de Palexpo pour rendre intelligents les Genevois ? Les machistes peuvent sortir leur arsenal, c’est bien une femme qui sera la nouvelle présidente.
Habile communicante, Isabelle Falconnier, issue des chroniques littéraires de l’Hebdo, commence par une polémique avec une photo où elle prend une pose charmeuse-ingénue-sexy afin d’illustrer ses nouvelles fonctions. Sa minauderie n’a pas plu aux lecteurs sérieux qui l’ont aperçue dans les pages de la Tribune de Genève du 29 août dernier. Certains ont même dû faire des zooms sur la photo pour vérifier si la jeune femme portait bien des porte-jarretelles (il y a des esthètes partout).
Finalement, Isabelle Falconnier peut aguicher qui elle veut sans que cela ne remette en cause ses capacités. La force du capitalisme est de tout intégrer (y compris l’anti-capitalisme) pour faire du profit. La littérature est censée briser le culte de l’apparence par une approche réflective, la nouvelle présidente veut montrer que l’on peut être vamp et avoir un cerveau. Constatons surtout que les femmes à postes à responsabilités ne peuvent communiquer avec leurs corps que soit en les présentant comme objets sexuels, soit en y retirant toute forme de féminité pour afficher le sérieux d’une maîtresse d’école (syndrome Ségolène Royal/Martine Aubry).
Falconnier se plairait-elle à ne privilégier que l’une de ces deux faces ? La preuve par son interview (dans la même Tribune), d’un vide étonnant. On se dit que, oui, elle aurait mieux fait de poser dans Playboy plutôt que de dire qu’elle «aime trop lire pour arrêter d’être critique littéraire» (la joie du double salaire) et que «la Suisse reste un pays de lecteurs» (comme de mélomanes pour le Grand Théâtre ou de cinéphiles pour Pathé).
Palexpo ne fait de différence que financière entre le Salon de l’auto et celui du livre. Ses présidents aussi. Il ne reste qu’à espérer, sans trop y croire, que le fond rattrape un jour la forme.