updated 6:51 PM CEST, Jun 27, 2017

Bientôt...

 lemiliedegourdie1

ENCORE UN PEU DE PATIENCE!

LES NEWS SONT EN ROUTE!

Transformations

Pour la première partie du voyage, nous remontons la côte atlantique, depuis le Sud (sur les bords du Rio de la Plata), jusqu'au Nord à Chuy, ville frontière avec le Brésil (le long de l'Atlantique). Une amie m'a demandé de retrouver son amie de trente ans sur la côte. Elles se sont connues en bossant ensemble à la Poste à Berne dans les années 80. Elle s'appelle Adriana et elle est uruguayenne. Mon amie, Judith, vit maintenant en Valais et ne l'a pas vue depuis 15 ans. Sur mon cahier, j'ai son nom et celui du village où elle habite peut-être encore... Cabo Polonio.

Mais à huit kilomètres du village, nous sommes arrêtées par un énorme complexe touristique, avec boutiques, parking, guichets et distributeurs de billets. Cabo Polonio n'est pas accessible librement, ni en voiture ni en vélo. Des centaines de touristes font la queue pour monter dans d'énormes camions 4x4. Nous hésitons à suivre le flux canalisé qui sent l'attrappe-gogo... Mais je dois retrouver Adriana et je n'ai que son nom...

J'explique à la femme derrière le comptoir que j'ai une amie là-bas, peut-être. Elle me fait répéter son nom deux fois et dit "Mais oui! Adriana! Celle de l'Hôtel Posseïdes! Je l'appelle pour vous." Il y a 70 habitant-e-s à Cabo Polonio, aucune chance qu'elle ne connaisse pas Adriana. Nous nous parlons par téléphone et nous avons du mal a nous comprendre, elle qui n'a pas parlé allemand depuis 15 ans, moi qui le parle deux jours par an. Elle nous dit "Venez, je vous attends à l'arrêt du bus !"

Le voyage à travers les dunes de sable impraticables nous confirme qu'il n'y pas d'autre accès au village que ces énormes 4x4. Adriana nous racontera plus tard que c'est un Français en 1998 qui a inauguré la veine touristique de Cabo Polonio en faisant venir les premiers touristes par charette à cheval. Car c'est un village de pêcheurs que nous découvrons, Adriana nous l'assure "si si, il y en a encore, contrairement à la "Punta del Diablo" où ils sont tous partis. Ici, l'été, il y a entre 1500 et 3000 touristes qui défilent chaque jour, mais l'hiver, nous sommes entre nous, les 70, nous tenons dans cette cabane, là, pour faire la fête ensemble! Et là, il y a l'école, on a sept ou huit enfants, je ne sais plus... Et là, l'hiver, nous faisons une émission de radio entre femmes !" Elle nous fait faire un tour, nous explique que la ligne électrique alimente exclusivement le phare et la baraque où ils font des "observations scientifiques sur les poissons. Dans le village, ça marche assez bien avec le solaire et l'éolien... l'hiver, on a assez froid, mais ça va. C'est surtout le vent qui rend fou. C'est pour ça que toutes ces maisons-là sont occupées seulement par les touristes l'été. Nous, on est de l'autre côté".

De l'autre côté, Adriana possède une maison, je ne sais pas depuis quand ni comment. Mais je crois comprendre que ça remonte à avant 98, avant les touristes, peut-être que ses parents étaient pêcheurs ici. Elle affirme qu'il en reste. Je ne les ai pas vus. Pourront-ils faire très long feu s'ils ne deviennent pas eux aussi mobilier de folklore touristique ? Adriana insiste: "Ici, tous les formateurs de l'école de surf sont des enfants qui ont grandit sur place !" Je regarde ces dizaines de chauffeurs de camion qui tirent de toutes leurs forces sur leur volant sans direction assistée pour trimballer les touristes par grappes de vingt. Je regarde ces femmes qui servent des empanadas, des tortas fritas, vendent des paréos et des bibelots artisanaux. Adriana a l'air heureuse de vivre ici, et c'est vrai que malgré le défilé des touristes, ces petites cabanes colorées hélées par les lions de mer tous proches, et le tout ensemble battu par le vent, c'est très beau.

Je lui pose une question sur la politique du nouveau président Mujica. Elle fait la grimace: "C'est terrible ce qui se passe : il fait le contraire de ce qu'il paraît, il est en train de tout foutre en l'air. Ici, ils veulent faire un port en eau profonde et creuser une fosse pour l'exportation des eucalyptus, il faut lutter contre ça". Les eucalyptus, j'ai de plus en plus l'impression que c'est une calamité locale : sur notre route, j'ai d'abord été été charmée par ces forêts interminables. De très grands arbres qui perdent leurs écorces avec la chaleur et sont coiffés de pompons sombres. Mais le malaise a grandi en comprenant qu'il ne poussait partout qu'une seule variété d'arbre. Ils ont une pousse hyper rapide et ont été importés d'Australie. Leur exploitation est industrielle pour la fabrication de cellulose (pâte à papier).

C'est sûr: la côte est en train de se transformer.