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Kermesse des salopes, l'interview

Le 13 septembre prochain aura lieu à Genève la Schlampenfest ou kermesse des salopes organisée par les activistes de la Slutwalk suisse. l'émiliE a voulu en savoir plus. Questions.

l'émiliE: En quoi consiste la kermesse des salopes?
Slutwalk: La Kermesse des Salopes ou Schlampenfest est une kermesse militante et féministe, qui souhaite rassembler des associations afin de visibiliser les problématiques des violences sexuelles dans une ambiance festive et bienveillante. Nous organisons des animations, des témoignages de survivantes, des débats, un info kiosque, une expo et une projection.

Pour l’occasion, vous cherchez à rassembler les associations féministes. Pourquoi ?
Il faut collaborer. La Slutwalk Suisse n'a pas inventé la poudre, d'autres féministes font les mêmes choses que nous et il est profitable de se mettre ensemble pour marteler des idées qui semblent à contre-courant, malgré leur bon sens (qu'une femme violée n'est jamais responsable de son viol par exemple…).

L’association Slutwalk est très active. Pensez-vous que cela ait des effets sur les politiques ou les mentalités ? Si oui, lesquels ?
C'est très difficile à dire, mais ce qu'on peut en tout cas assurer, c'est que certaines femmes nous ont témoigné qu'elles vivaient leur expériences de violences sexuelles différemment depuis qu'elles avaient participé à notre mouvement (de près ou de loin) et pour nous c'est déjà énorme. On continue de bosser, on vulgarise, on visibilise, et à terme, en lien avec ce qui est fait partout dans le monde et par d'autres mouvements au niveau local et global, oui, on va changer les choses!

Vous dénoncez les violences que vivent les femmes au quotidien, pour autant les moyens institutionnels sont massivement concentrés sur les plus dramatiques (violences conjugales, etc). Pourquoi selon vous ? Parce que le harcèlement de rue finalement c’est pas si grave aux yeux des politiques ?
Tant qu'on ne voit pas le problème, il n'existe pas. Aujourd'hui, on parle beaucoup du harcèlement de rue (malheureusement souvent de manière raciste et classiste, nous nous sommes d'ailleurs positionnées là-dessus) dont les choses commencent à bouger. Mais qu'il s'agisse de problèmes visibles ou peu visibles, c'est avant tout le prisme par lequel ils sont traités qui est problématique. On ne combat pas le viol par des mesures répressives, mais pas des efforts au niveau de la lutte contre le sexisme. Nous avons notamment critiqué publiquement le Centre Prévention Criminalité suisse qui donne des "conseils aux femmes pour éviter les violences sexuelles perpétrées par des inconnus" du type "évitez de sortir seule la nuit". Pas un mot aux hommes, pas un mot aux violeurs et pas un mot pour que les femmes se sentent plus légitimes dans l'espace public. Là réside le problème.

Ensuite, effectivement nous essayons de visibiliser des formes plus quotidiennes et invisibles de violences de genre, comme le slutshaming, le harcèlement sexuel au travail ou le date rape, en martelant que les idées qu'on se fait du viol (à 2h du matin dans un parking) ne reflètent pas la réalité. 70% des femmes violées connaissent leur agresseur, le viol arrive majoritairement chez la personnes violée ou chez l'agresseur et qu'en dehors du viol, il existe d'autres formes de violences. Mais les femmes sont-elles conscientes d'être victimes de violences ou vivent-elles juste "de sales moments" ? Quelle est leur légitimité de dire "j'ai vécu des violences sexuelles" ?

Visibiliser reste votre arme majeure ?
Nous visibilisons, c'est sûr. Par nos actions, parfois chocs, mais aussi par notre travail de fond. Notre site Internet commence a être bien fourni en rédaction de textes sur différents sujets (culture du viol, slutshaming, harcèlement au travail, harcèlement de rue…). Nous avons une vision précise de la manière dont il faut traiter les violences sexuelles et nous le faisons, parce que nous trouvons que c'est insuffisamment fait par ailleurs.

Vous souhaiteriez intervenir dans les écoles?
Il serait intéressant de travailler avec les écoles. Mais aucunes de nous n'est formée pour travailler directement avec les jeunes. Nous pourrions former les intervenant-e-s par contre, nous l'avons d'ailleurs déjà fait. En tout cas il est clair que nous pensons que l'école, en tant qu'institution sociale importante, a une responsabilité et un rôle à jouer pour prévenir et travailler sur les violences.

Plus d'infos sur la Sclampenfest sur http://slutwalk.ch/

Photo © Slutwalk

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