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La slutwalk suisse en ordre de marche

Après deux marches de salopes remarquées dans les rues de Genève, le collectif prend un nouveau départ en devenant une association. L'assemblée générale constitutive se tiendra le 6 mai prochain. En effet, devant l'intérêt suscité par leur combat, les initiatrices de la slutwalk se dotent d'une charte et de statuts dans l'idée de pérenniser l'aventure. Géraldine Viredaz, l'une des co-fondatrices nous détaille la feuille de route. Interview.

l’émiliE : Pourquoi passez-vous de statut de collectif à celui d’association ?
Géraldine Viredaz : Lors de la dernière marche, nous avons remarqué que beaucoup de gens s’intéressaient à la slutwalk et la dimension du collectif, à savoir un petit groupe de personnes qui décide entouré de petites mains, n’était plus adapté. Nous souhaitions un fonctionnement moins hiérarchique, plus transparent. Une autre raison : nous voulions nous centrer autour d’un certain nombre de valeurs, de textes de référence. Nous avons désormais une charte et des statuts qui permettent aux gens de savoir exactement qui nous sommes. Enfin, nous voulions pérénniser notre action. Si un jour, nous ne pouvons plus donner de notre temps à la slutwalk, il est important que l’association ne s’arrête pas. D’ailleurs, pour celles et ceux que ça intéresse, l’assemblée générale constitutive a lieu le 6 mai à 19h30 au Gavroche à Genève.

Vous devenez une franchise « slutwalk » ?
Non absolument pas. L’appellation slutwalk est internationale mais nous ne sommes pas dans un système de fédération ni de franchise. On reste indépendantes.

Vous ne vous calquez pas sur le système FEMEN non plus ?
Ah non, rien à voir. En fait, il se trouve qu’à la dernière marche, on a fait une collecte et plutôt que l’argent soit sur le compte de l’une d’entre nous, il est plus logique qu’il soit sur le compte d’une association afin qu’il soit géré de manière claire et transparente et pour soutenir nos projets.

Alors précisément, pourquoi soutenez-vous le projet Unbreakable en particulier ?
Parce qu’il a un lien direct avec la création de la slutwalk. Chloé de Senarclens avait entendu parler du projet Unbreakable et s’en est inspiré. Elle et sa sœur Coline ont pris contact avec les Lausannoises pour lancer la slutwalk Suisse. Lundi 28 avril, les initiatrices de Unbreakable, deux jeunes étatsuniennes viennent à l’Unil faire une conférence pour exposer leur projet et nous allons animer le débat.

Où en êtes-vous de la polémique qui vous oppose à la Prévention Suisse de la Criminalité ?
C’est un peu le statu-quo. Nous avons fait une série de propositions qui soient ni sexistes ni stigmatisantes. Nous voulions donner une alternative à la vision sécuritaire, sexiste et stigmatisante de la Prévention Suisse de la Criminalité sans pour autant collaborer avec les départements Justice et police. Nous ne souhaitons pas être des référent-e-s. On a donné ces informations, on a partagé notre réflexion et c’est tout.

Vous n’avez pas eu d’échanges particuliers ?
Non et notre rôle s’arrête là.

Pensez-vous que les pouvoirs publics font un faux diagnostic en ce qui concerne les violences sexuelles contre les femmes ?
Oui complétement. Nous avions formulé ces propositions en réponse à une liste de recommandations émanant de la PSC. Leurs conseils pour se protéger contre les violences sexuelles sont purement sécuritaires et dans leur discours, c’est l’attitude des femmes qui doit changer pour éviter d’être agressées sans impliquer du tout l’auteur de l’agression. Cela part du principe que pour aller contre les agressions, il faut que les femmes modifient elles-mêmes leurs comportements et se prémunissent elles-mêmes d’être agressées.

Avez-vous cherché à agir collectivement avec d’autres associations féministes pour faire évoluer la vision des pouvoirs publics sur ce point ?
Non, il s’agissait d’une réponse spontanée. Par ailleurs, nous sommes en désaccord avec les positions des départements Justice et police aussi nous ne souhaitons pas associer notre nom à leurs actions à travers certaines associations ni les cautionner.

Que recommandez-vous en matière de lutte contre les violences sexuelles envers les femmes ?
La lutte contre les violences sexuelles doit d’abord s’intéresser aux auteurs des violences, et à travers eux au contexte sociétal dans lequel ces violences s’exercent.
Sur les discours qui concernent la lutte contre les violences sexuelles envers les femmes, nous soutenons beaucoup les projets d’autodéfense féministes tels que celui  d’Irene Zeilinger Non c’est non. Justement, l’un des buts de l’association c’est de stimuler de nouvelles dynamiques et de concrétiser ce genre d’initiatives. En tous cas, notre réponse aux agressions, c’est l’autodéfense et la réappropriation de ses capacités de réaction.

Que pensez-vous de l’action « zone sans relou » menée par le collectif  parisien #stopharcèlementderue ?
Je ne connais pas ce projet, mais je le vois à priori comme un effet d’annonce.  C’est quoi un relou ? ça me renvoie aux positions prises par la slutwalk parisienne justement qui utilisait déjà un terme similaire en disant « Tout le monde sait où se trouvent les nids à connards dans les villes, et pourtant la police ne fait rien   ». Alors quand j’entends « zone anti-relou », qu’est-ce que ça veut dire ? On met des barricades ? A priori, je ne suis pas très convaincue. La dimension d’exclusion qui passe probablement par des pratiques sécuritaires ajoutée à des mécanismes de classe qui interagissent font que je suis sceptique.

Toutes ces actions lancées par des jeunes femmes ne vous semblent pas toujours aller dans la bonne direction ?
Dans l’absolu, c’est positif parce que l’action dans l’espace public est efficace et que c’est avec des actions comme ça qu’on peut faire bouger les choses. C’est une manière de toucher un public qui ne serait pas forcément réceptif au discours et qui ne serait pas forcément mobilisé en général. Après une action comme la « zone sans relou » doit poser 2-3 questions : Qu’est-ce que l’espace public ? A qui s’adresse ce discours ? Qui le produit ?

Photo © Isabelle Meister

 

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