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La pilule et ses risques

 

 

Une nouvelle controverse surgit autour de la pilule après la plainte déposée contre le groupe pharmaceutique Bayer par une jeune fille de 25 ans, handicapée à 65% qui a utilisé le contraceptif oral de 3e génération Méliane. Quels sont les risques pour les millions de femmes dans le monde qui prennent la pilule ? Explications.

 

A la suite d’une plainte déposée par une jeune française dont le handicap serait lié à la prise d’une pilule dite de 3e génération, la nocivité potentielle de ce contraceptif est à nouveau soulevée.

Marion Larat de Bordeaux a eu un AVC (accident vasculaire cérébral) suite à la prise de la pilule Méliane. Elle a survécu et découvert qu’elle avait un facteur de risque pour les maladies cardio-vasculaires et qu’elle n’aurait jamais dû prendre la pilule et encore moins une pilule de la 3e ou 4e génération, connue pour présenter un risque plus élevé que les pilules de la 2e génération pour ces maladies. Courageusement, elle a rendu son histoire publique et 280 femmes se sont jointes à elle pour déposer une plainte collective.  Aux Etats-Unis 15 000 plaintes ont ainsi  été enregistrées, mais pour le moment les pouvoirs publics ne se laissent pas impressionner.

En Suisse aussi, l’histoire d’une jeune fille a défrayé la chronique. C’était en 2008 : à 16 ans, Céline a fait une embolie pulmonaire en prenant la pilule Yasmine, elle est aujourd’hui handicapée à vie, mais Swissmedic, l’organisme de surveillance des médicaments, n’a cependant pas jugé nécessaire de la faire retirer du marché.

Cette affaire révèle des éléments extrêmement intéressants comme les liens entre les multinationales pharmaceutiques et les médecins ou les dysfonctionnements des organismes de surveillance… Au-delà de toutes considérations morales, les femmes ont le droit de connaître les avantages et les inconvénients des pilules et de tout autre traitement qu’elles pourraient être amenées à prendre. La pilule n’est pas un comprimé anodin, même si elle assure une bonne protection contre la grossesse, elle présente aussi des risques à court et à long terme. Il n’est pas inutile de se pencher sur son histoire.

Herstory

Les premières pilules ont été commercialisées dans les années 50 aux Etats-Unis, sans que l’on ne perde trop de temps à vérifier leur innocuité. La première étude avait été commandée par Margaret Sanger de la Fédération nationale pour le planning familial, dans le but avoué de trouver un contraceptif simple et bon marché, accessible dans les bidonvilles et pour les femmes les plus misérables afin de limiter les naissances dans leurs communautés.

La première pilule a été testée sur 132 femmes portoricaines, trois sont décédées vraisemblablement de thrombo-embolies, il n’y a pas eu d’autopsie pratiquée et on est allé de l’avant. En 1962, plus de 130 cas de thrombose et d’embolie avaient été enregistrés, dont 11 décès, mais le laboratoire SEARLE niait toujours l’existence d’effets secondaires. Lors de la première conférence sur l’innocuité de la pilule à Chicago la même année, l’Association Médicale Américaine conclut qu’il n’y avait pas de preuves d’un rapport de cause à effet entre la pilule et les troubles de la coagulation du sang ; seul un médecin, S. Wessler enseignant à l'Université de Harvard  s’y était opposé.

Les premières pilules étaient alors très fortement dosées en œstrogènes. Petit à petit les chercheurs ont compris qu’on pouvait obtenir le même effet contraceptif avec moins d’hormones et en associant des progestatifs. Cela a permis de diminuer les risques mais n’a pas mis fin complètement aux effets indésirables.

Les troubles de la coagulation, le diabète, le cancer du col de l’utérus et du sein sont des risques connus de la pilule depuis les années 60, mais il est beaucoup plus difficile de trouver des fonds pour étudier les effets secondaires de la pilule que pour prouver son innocuité. En 1975, afin d’y voir plus clair, vingt spécialistes de la Food and Drug Administration (FDA) visitent SEARLE qui avait constamment falsifiés les tests d’innocuité des médicaments en opérant par exemple les tumeurs des animaux malades qui étaient ensuite réintroduits dans l’étude, ou en faisant passer des animaux malades du groupe qui prenaient la pilule dans le groupe témoin qui n’en avait pas reçu. Les conclusions du rapport de 1976 de la FDA sont effrayantes. Malheureusement, ce type de manœuvre n’était pas rare et a notamment été employé pour l’homologation d’autres médicaments comme le Flagyl, l’Aldactone ou d’autres pilules comme l’Ovulène.

Les dosages de la pilule sont beaucoup plus faibles aujourd’hui. Les critères d’homologation sont plus stricts, mais c’est la même histoire qui continue. La liste des contre-indications à la pilule demeure longue et les effets secondaires suffisamment sérieux pour nécessiter une surveillance médicale régulière (troubles de la coagulation, troubles neurologiques et oculaires, maladies hépatiques, hypertension, tumeur et cancer, stérilité, diabète, baisse de la libido, dépression, anomalie fœtale en cas de grossesse). Pourtant la pilule continue à être la méthode conseillée à de nombreuses femmes qu’on n’informe pas de l’existence d’autres moyens de contraception.

L’histoire de la pilule est fascinante, parce que se ne sont pas les femmes des pays appauvris qui s’y sont intéressées lors de sa mise sur le marché, mais bien les femmes des pays riches. Et ce, pour une raison essentielle : la «libération sexuelle» et l'émancipation. La pilule a joué un rôle primordial à ce niveau.

Nouvelles générations de pilule

Les pilules de la 2e génération, ce sont Microgynon et Stédiril, puis est apparue la 3e  génération comme Mercilon, Cilest, Minerva et la 4e génération Jasmine, Yaz…

Il faut toujours donner l’impression d’inventer du neuf pour prendre une part de marché. En diminuant la quantité d’œstrogène, on essaie de diminuer les effets secondaires tels que rétention d’eau et prise de poids. On invente une nouvelle pilule particulièrement indiquée pour l’acné, ce qui nous amène à l’histoire de la Diane.

La Diane a été commercialisée dans les années 80 sous le nom de Diane 50. Elle associe un œstrogène à un nouveau progestatif anti-androgénique, d’où son indication pour l’acné. Ce médicament n’a jamais fait l’objet d’une demande d’homologation en tant que pilule, mais a bien été vendue comme tel. Il se révèle rapidement que son risque d’accidents thrombo-emboliques est plus élevé que celui des autres pilules (de l’ordre de sept fois plus). Dans la pratique du Dispensaire des femmes de l’époque, nous avons connu trois cas d’accidents vasculaires cérébraux dont une qui a perdu l’audition d’un côté. Après la Diane 50 est apparue la Diane 35 (la dose d’œstrogène est diminuée). Malgré les mises en garde, les prescriptions continuent. Et Bayer, son producteur, n’a toujours pas fourni les données requises pour qu'elle soit homologuée comme contraceptif. Pourtant, 99% des femmes prennent la Diane comme contraceptif.

A un certain point on ne peut pas faire mieux que mieux et dans les années 90 on comprend que les pilules de la 3e génération ne sont pas un véritable progrès en raison d’un risque accru de maladies cardio-vasculaires (fois 2.6 par rapport aux pilules de la 2e génération). Celles-ci ne devraient donc pas être prescrites en première intention. Cette directive des agences de surveillance des médicaments ne sera pas suivie, pourquoi ? Les laboratoires pharmaceutiques vont déployer leur arsenal marketing et lobbyiste pour peser de tout leur poids sur la société. C’est là qu’entrent en scène les représentants médicaux et plus tard les leaders d’opinion. Mais également des médecins identifiés par les laboratoires et qui vont diffuser la bonne parole lors de colloques médicaux et congrès d’experts. Leurs liens avec les multinationales pharmaceutiques sont tenus secrets, d’autres ne s’en défendent même pas comme Brigitte Letombe ou Israël Nisand en France. Ce dernier dit même pouvoir garder son autonomie en travaillant avec tous les laboratoires (enquête du Monde du 11.1.2013). La pilule est présentée sous de nouveaux atouts publicitaires avec un effet amaigrissant ou celui de rendre la peau plus belle.

Face aux révélations récentes de la presse sur les risques réels, la ministre française de la santé Marisol Touraine décide le déremboursement des pilules des 3e et 4e générations par la sécurité sociale, mais toujours pas son interdiction.

Même si le risque est faible et de nombreuses femmes sont très contentes de leur pilule, les chiffres sont là :lLe risque de thrombo-embolie est de 2 cas par an pour 10 000 femmes pour les pilules de la 2e génération. On passe à 4 cas par an pour 10 000 cas pour celles de la 3e ou la 4e génération, en comparaison de 0.5 par an pour celles qui ne prennent pas la pilule (et 6 en cas de grossesse). L’association tabac plus pilule augmente considérablement le risque. En effet, dans ma pratique, les deux cas de décès survenus avec la pilule étaient des fumeuses de plus de 30 ans.

Les médecins s’agitent, les plannings familiaux aussi en nous rappelant que la grossesse est aussi un risque et ils s’étendent sur les cancers de l’ovaire évités grâce à la pilule. Malheureusement, avec tout cela on se garde bien de parler des risques augmentés de faire un cancer du sein (ou du col de l’utérus) sur les prises de longue durée et ces cancers sont beaucoup plus fréquents que celui de l’ovaire. Le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) ne fait pas la différence, il classe les oesto-progestatifs de la pilule, comme ceux des hormones de substitution de la ménopause, parmi les substances cancérigènes du groupe 1 (action certaine).

Pour toutes ces raisons, une prescription de pilule nécessite un contrôle médical et une véritable évaluation des risques potentiels. Lors d’une première prescription (pour 3 mois), un contrôle gynécologique complet doit être fait, avec palpation des seins, examen abdominal et vaginal, dépistage du cancer du col de l’utérus (pap), prise de tension. Les antécédents familiaux doivent être connus. Après trois mois, la tolérance de la pilule doit être revue et l’ordonnance éventuellement prolongée. Ces contrôles doivent être répétés tous les ans. Qui prend encore le temps de faire la consultation d’une façon assez approfondie ? Dans les plannings, la pilule peut être remise lors d’un simple entretien, à charge de la femme de faire un contrôle dans les trois mois. Il est aussi important d’éviter une grossesse non désirée. Pire encore, reprendre l’ordonnance d’une copine est franchement à déconseiller.

La pilule restera un bon contraceptif. Dans les centres de santé de femmes (en Suisse) ou chez les naturopathes, on rappellera que la pilule ne doit pas être commencée trop tôt dans la vie, que les douleurs liées aux règles ou l’acné ne sont pas de bonnes indications, tant qu’il y a d’autres solutions et qu’il est préférable de ne pas dépasser 10 ans de prise et l’âge de 30 ans pour une fumeuse, 33 ans pour une non-fumeuse, après tout se négocie. Mais surtout, on discute des alternatives. Chaque contraceptif doit être évalué au niveau de ses avantages et inconvénients et du type de sexualité vécue dans cette partie de la vie. De nombreux gynécologues ne proposent pas volontiers des stérilets (non-hormonaux) et ne mentionnent même pas l’existence des diaphragmes comme méthode barrière, alors qu’ils interviennent moins dans la sexualité au moment des rapports avec préservatifs (par ailleurs le seul contraceptif qui responsabilise les hommes). Quand une femme demande une alternative à la pilule, les gynécologues proposent l’anneau, le patch ou l’injectable, alors que toutes ces méthodes sont hormonales et donc avec les mêmes effets secondaires potentiels.

Allons-nous sortir enfin de l’ère tout pilule (en France : 56% des femmes de 15 à 49 ans et 83% des 20-24 ans) et nous intéresser  à la prévention?

Références :

Pour l’histoire de la pilule : La ménopause, réflexions et alternatives aux hormones de remplacement, R.N. éditions Mamamélis, Genève 1994 et 2006 (3e édition)

Pour la contraception : La sexualité des femmes, racontée aux jeunes et aux moins jeunes, éditions Mamamélis, Genève 2004, 2008 (2e édition)