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Ce que soulève la jupe...des garçons

Le prix 2014/2015 de la Jupe au Masculin vient d’être décerné à la marque Hiatus. Organisé par l’association les Hommes en Jupes, ce concours vise à réconcilier les hommes occidentaux avec le port de la jupe. En tant que membre du jury, l’émiliE revient sur l’événement et sa problématique.


C’est donc la petite marque Hiatus qui a été choisie cette année pour redpnner aux hommes l’envie d’enfiler ce vêtement étiqueté féminin. Les autres nominés étaient Zara qui avait proposé deux jupes masculines dans sa dernière collection, les lycéens de Nantes qui avaient porté la jupe une journée pour lutter symboliquement contre le sexisme et le couturier Sébastien Ghizzo qui a eu l’idée d’urbaniser les kilts, les sarongs et autres sarouels. Le jury composé d’une bloggeuse de mode, d’une directrice d’agence de communication, du président de l’association des Hommes en Jupes et de l’émiliE a penché pour Hiatus fondée par Jean-Guy Béal et Jennifer Marano, deux créateurs de mode nîmois. Ce prix va leur donner un petit coup de pouce supplémentaire pour promouvoir leur marque.

On se rappelle que lors de l’événement Transfashion organisé l’année passée par l’émiliE, la jupe avait déjà soulevé de nombreuses questions, sachant que ce n’est pas tant ce petit bout de tissu qui est problématique mais plutôt ce que son port induit sur les corps. Sur un homme, la jupe est perçue comme un travestissement. L’homme en jupe transgresse son genre et est jugé efféminé donc dévalorisé. Selon l'historienne Christine Bard qui participait au débat de Transfashion, « la jupe a fabriqué le genre féminin, sur le plan collectif et individuel ». Dans le monde occidental, la jupe est associée au féminin. Et lorsque les femmes ont voulu s’émanciper, elles ont « porté la culotte » en empruntant notamment des codes vestimentaires aux hommes comme le pantalon . Pour se libérer des stéréotypes masculins, les hommes ne peuvent pas emprunter les codes féminins sous peine de perdre en virilité.

Une fille en jupe s’assoit jambes serrées. Le vêtement exerce ici une fonction contrôlante. En effet, aucune raison biologique n’oblige les femmes à garder les jambes serrées. De même que rien ne prédispose les hommes à s’asseoir  jambes écartées… Alors ces hommes en jupes, que veulent-ils vraiment ? La liberté vestimentaire qu’ils revendiquent qu’elle est-elle ? Un fantasme, une lubie ou une volonté profonde ?


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Interview de Jérémie Lefebvre, président de HEJ,

l'émiliE: Pourquoi organiser un prix tel que celui-ci?


Jérémie Lefebvre: C'est avant tout une façon de dire "bravo" à ceux et celles qui font de leur mieux pour que la jupe redevienne un vêtement masculin comme un autre. Nous espérons ainsi leur montrer que leur contribution n'est pas passée inaperçue et les encourager dans leurs efforts. 

C'est aussi un moyen de mettre en avant leurs actions, de leur donner de la visibilité auprès de nos sympathisants, mais aussi auprès du public en général.

C'est en effet l'occasion d'attirer l'attention sur la jupe masculine, d'en faire parler et de sensibiliser les gens en-dehors de notre mouvement.



L'idée de de ce prix nous est venue après avoir constaté qu'un certain nombre de magazines élisaient leur propre "personnalité de l'année" : "le sportif de l'année", "l'entrepreneur de l'année", etc... Nous nous sommes dit que les hommes en jupe méritaient eux-aussi d'avoir leur personnalité de l'année.



Le mouvement pour la jupe masculine a ceci d'unique qu'il est venu essentiellement de la base et est soutenu par une multitude d'initiatives individuelles : sites perso, pages Facebook, forums... Tout ceci est très désorganisé, et nous avons donc voulu mettre en place une action qui puisse être une référence au sein du mouvement, qui fédère et représente tous les hommes en jupe, pas seulement notre association. C'est une des raisons pour lesquelles le choix des candidats, puis du lauréat est confié en grande partie à des personnes extérieures à HEJ.




 


Quel est votre objectif ?
Notre but ultime est de faire de la jupe masculine un vêtement ordinaire, pleinement accepté par la société. De ce point de vue, HEJ peut s’enorgueillir de faire bouger les choses : en plus d'être régulièrement contactés par les médias, nous avons inspiré la création de la marque Hiatus, grâce à nous la première pub pour la jupe masculine devrait bientôt passer à la télé, et nous avons aussi été invités au Sénat pour célébrer la journée de la femme en 2015...





Pensez-vous faire évoluer les mentalités et les codes vestimentaires?
Quels sont les impacts concrets de nos actions ? Je pense qu'il faut rester modeste. Même si, d'après nos partenaires commerciaux, le nombre d'hommes en jupe est en constante augmentation, c'est encore une mode émergente, mal connue du grand public. Et ne parlons pas encore de faire évoluer les codes vestimentaires. N'oublions pas que les femmes, qui ont commencé à adopter le pantalon dès le XIXème siècle, ont dû attendre les années 60 pour pouvoir le porter au travail !



Néanmoins, je pense que nous participons aussi à une évolution culturelle qui dépasse l'aspect purement fonctionnel du vêtement. Effectivement, il s'agit bien de faire évoluer les mentalités et de combattre certaines idées reçues sur l'homme. Notre combat en lui-même montre déjà que des choses comme la mode, le soucis de son apparence ou l'égalité vestimentaire ne sont pas que des affaires de femmes.

Photo DR, Marc Jacobs, un homme en jupe

l'émiliE - 2012-2016