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Ça devait être comme ça, le Vietnam

 

 

 

Brenda Berkman, capitaine de caserne à Manhattan, a passé les neuf mois suivant l’attaque à extirper des restes  humains du site.

Témoignage.

 

 

 

 

 

 

« Le 11-Septembre, j'étais capitaine et mon souci principal était de ne pas perdre d’hommes. Mais on n’avait pas de structure, pas de coordination des opérations, pas de matériel, ni de radio pour communiquer. Il y avait des véhicules brulés partout, et de nombreux bâtiments étaient en feu, mais il n’y avait plus ni prise d’eau ni pompe à eau pour l’arrêter. Je me disais : ‘ça devait être un peu comme ça, le Vietnam’.

La fumée m’empêchait de voir quoi que ce soit, je ne savais pas par où commencer pour trouver des rescapés. Plusieurs de mes hommes arrivés plus tôt manquaient déjà, mais je pensais encore qu’on les retrouverait dans les décombres. J’ai perdu cinq hommes.

Tout était rendu encore plus compliqué par la taille du site, et sa dangerosité : il y avait du métal partout. Je me suis d’ailleurs blessée à la main, mais on m’a fait un bandage, et j’ai continué à travailler, jusqu’au lendemain matin. On devait trouver les victimes piégées dans les décombres, cela prenait le pas sur tout. Nos besoins physiques les plus élémentaires, notre famille, nos passe-temps étaient remis aux calendes grecques. Pendant des semaines,  on a tous plus ou moins vécu à la caserne.

On a cherché des survivants pendant des semaines, mais on n’en a trouvé aucun. A partir du 12 septembre, il n’y avait plus que des morts à Ground Zero. On a trouvé très peu de corps intacts, mais jusqu’en mai 2002 où les autorités ont fermé le site, on a récupéré le moindre reste humain, mais aussi n’importe quel objet qui ait pu appartenir à une victime : portefeuille, clés, carte de visite.

Lorsque pour la première fois après tout ça je suis allée m’occuper d’accidentés de la route, j’ai ressenti un grand soulagement : le cauchemar était terminé, la vie normale reprenait son cours, je faisais à nouveau ce à quoi j’avais été formée. »

© Photo  Joyce Benna

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