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Ma main est tombée sur une jambe


 

 


 L’officier de police Carol Paukner a sauvé des dizaines de personnes en les évacuant. Jusqu’à être elle-même piégée par les débris.Témoignage.

«Arrivée sur place, j’ai vu l’avion encastré dans la tour. Il y avait des débris partout. J’ai transmis au central : ‘un avion a percuté le World Trade Center’. J’ai immédiatement couru vers le second building et j’ai commencé à évacuer les gens. J’essayais de les calmer, même si des débris gros comme des capots de voiture tombaient du ciel.

Ils voulaient regarder en haut pour savoir ce qu’il se passait, mais je leur disais d’évacuer. Les gens veulent s’arrêter, ils veulent voir. C’est humain. Ils voudraient pouvoir dire ‘Oh mon dieu, c’est un avion’. Mais moi je savais ce qui se passait, et je leur disais ‘Sortez d’ici. Sortez.’

Je savais que d’autres avions allaient arriver. Le FBI avait dit aux officiers de police : ‘vous n’êtes pas des lâches si vous partez, d’autres avions arrivent. C’est du terrorisme.’ Mais comment j’aurais pu laisser tous ces gens ?’ J’ai pensé que j’allais mourir ce jour-là, et j’ai continué à évacuer autant de personnes que possible.

Environ vingt minutes plus tard, on a entendu un deuxième avion percuter la tour. Il y avait tellement de fumée et de suie qu’on ne pouvait plus respirer. Des débris nous tombaient dessus. J’étais coincée, une partie de mon corps dans le building, et une autre partie à l’extérieur. Je ne voyais rien, et le vent était si fort que je ne parvenais pas à m’extirper.

Comme aveuglée, j’ai rampé vers l’extérieur. De nombreuses personnes étaient déjà mortes. Ma main est tombée sur une jambe. C’était quelqu’un de vivant, qui me hurlait dessus : «Prends ma main !» Alors je l’ai soutenu et on est sorti. J’avais une lampe de poche, mais la fumée était si épaisse qu’on n’y voyait rien. On s’est promis de ne pas se lâcher. On a tous les deux entendu un homme répéter encore et encore : ‘Sainte Marie, mère de Dieu’. On ne l’a pas vu, on ne l’a pas touché, il devait être sous les décombres.

J'ai eu la chance de m'en sortir, mais aujourd'hui ma douleur est un rappel quotidien du 11-Septembre. A l'époque, j'étais très sportive, je jouais au baseball deux fois par semaine. Maintenant, mes deux genoux, mon épaule gauche, mes poumons, et mon estomac portent les stigmates de cette journée. A 36 ans, je suis devenue handicapée. Je n’ai pas voulu quitter la police, mais ma condition physique ne me permettait plus que de répondre au téléphone. En 2004, on m’a mise à la porte. Ma condition physique m’empêchait de faire mon travail correctement. »

© Photo  Gulnara Samoilova

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